Une nouvelle génération de médias se consacrent à l’écologie. Dans des registres différents, nous avons déjà parlé des actualités décryptées par Vert et des spectacles humoristiques de Swann Périssé. Voici le dernier né, paru fin septembre après une campagne de financement participatif réussie : Fracas.

Fondé sous forme coopérative par l’ancienne équipe de Socialter – dont Clément Quintard, proche ami d’ami, c’est-à-dire camarade de second degré aux multiples talents littéraires, graphiques et désormais entrepreneuriaux – le magazine est sous-titré « le média des combats écologiques ». On pourrait ajouter « idéologiques », car c’est bien le projet ici : mener la bataille culturelle avec rigueur et engagement, remettre en cause les discours et postures, trier et faire progresser les idées d’une écologie véritablement transformatrice.

Alors que tout le reste, des alarmes scientifiques aux rébellions publiques en passant par les appels à la convergence des luttes, semble avoir échoué à embarquer les populations, comment élargir de manière décisive la base sociale qui désire et s’engage pour une révolution écologique ?

Un modèle est prôné : celui de la « composition », c’est-à-dire l’émergence d’un bloc social hétérogène mais unifié par un intérêt commun qui désarme les attaques stéréotypées d’un pouvoir écocidaire de plus en plus sécuritaire. Concrètement, ce sont les rassemblements contre les méga-bassines qui ont été dénoncées conjointement par des petits exploitants agricoles et des militants des Soulèvements de la Terre, ou celui plus improbable encore entre des chasseurs et des écologistes qui s’accordent pour défendre une forêt jurassienne menacée. Cette stratégie implique de privilégier la spontanéité sur le contrôle et de s’unir dans la diversité, mais ces compositions locales peuvent-elles réellement déclencher un élan populaire massif ?

Comme l’on pouvait s’y attendre de la part de ses auteurs, la ligne éditoriale de Fracas est radicale. Résolument anticapitaliste tendance écomarxiste, prompte à dénicher des compromissions derrière chaque aspiration consensuelle, aussi virulente qu’un Frédéric Lordon pour critiquer les réflexes bourgeois et individualistes qui s’abriteraient derrière la social-démocratie et les penseurs « pleurnicheurs » du vivant inspirés par les travaux de Bruno Latour. Cela ne plaira assurément pas à tous les lectorats, mais les dossiers ont le mérite d’être fouillés, bien rédigés et de ne pas éluder les questions stratégiques.