La manière dont on s’informe est un sujet auquel je réfléchis depuis longtemps. Il y a une quinzaine d’années, j’introduisais un brouillon de nouvelle en réveillant en douceur un personnage par le biais d’une radio proposant une information sur mesure : en l’occurrence, rien de grave ou de politique, un focus sur des personnalités sportives ou artistiques présélectionnées, du divertissement et des « ondes positives ». À l’époque, j’y voyais un grand danger à combattre : la réduction de nos préoccupations et curiosités à des cocons aseptisés et déconnectés d’une réalité sans cesse plus complexe. En 2010, mon projet entrepreneurial de fin d’études, Cross News, se concevait en réponse à ces proto-bulles de filtres. Le concept croisait un Netflix donnant accès à toute la presse payante en ligne avec un service de curation factuelle à mi-chemin entre Wikipédia et les résumés de Brief.me. J’en parlais d’ailleurs déjà dans la toute première édition des 3 points, en septembre 2016.

Ma propre approche de l’information a beaucoup évolué en quelques années. Je ne regarde plus la télévision depuis une décennie. Je n’achète plus de presse écrite en dehors de quelques magazines de qualité que je parviens de moins en moins souvent à lire jusqu’au bout. Je suis abonné à la version numérique du Monde et ma première source d’information quotidienne est leur application « La Matinale » – je lis rarement des articles qui ne proviennent pas de cette sélection, qui présente au moins le mérite de varier les rubriques. J’écoute des bribes de la matinale de France Inter les jours où je conduis Ulysse chez sa nourrice. Je picore des informations dans la journée, via des partages par des collègues, sur deux ou trois boucles de messagerie ou en jetant un œil sur Google News. Le sevrage de Twitter depuis six mois a été redoutablement efficace : depuis que j’ai retiré l’application de mon téléphone en prévision de la prise de contrôle désormais effective par Elon Musk, j’ai sans doute divisé par vingt mon temps passé à gazouiller et n’ai rien partagé d’autre que cinq retweets d’OSP. Je regrette naturellement de ne plus suivre certains comptes, mais ne me porte pas plus mal d’échapper au flot de polémiques d’un jour. Même mon suivi de l’actualité sportive, autrefois très exhaustif, se réduit aujourd’hui à une poignée d’équipes et d’athlètes dont je regarde de courts résumés. Comme tout un chacun, je reste connecté à l’actualité de quelques centres d’intérêt sur les réseaux sociaux qu’il me reste – singulièrement Youtube. En résumé, je me nourris d’une information beaucoup moins large et pluraliste que par le passé. Ou bien s’agit-il d’une évolution de l’offre ?

Cela me questionne particulièrement ce mois-ci pour deux raisons : d’une part, l’impact démocratique de notre rapport à l’information a été évoqué à plusieurs reprises lors des Rencontres européennes de la participation où j’intervenais ; d’autre part, de nouveaux services comme MegaTrends se lancent autour de moi avec la promesse de synthétiser et contextualiser l’actualité sur de grandes tendances, mais en rajoutant un flux supplémentaire de contenus qualitatifs que je n’ai pas le temps d’absorber. En discutant avec le fondateur, je donnais un exemple à suivre, qui est probablement la source d’information qui s’est rajoutée ces derniers mois dans mon échantillon : le média Vert. Jamais en manque d’inspiration sur les jeux de mots (« Y s’en foot ! », « Giec tout compris »…), la petite équipe indépendante résume avec brio l’actualité sous le prisme écologique dans des articles et infographies qui mettent en perspective les ordres de grandeur et des newsletters quotidienne ou hebdomadaire – j’ai adopté la seconde formule, pour tenir le rythme. Surtout, avec quelques autres pionniers, ils sont à l’initiative de la récente Charte pour un journalisme à la hauteur de la lutte contre l’urgence climatique, qui engage désormais plusieurs rédactions. Le temps étant compté, choisissons les sources essentielles.