Nombreuses, sans doute, sont les petites entreprises à avoir affronté des vents contraires cette année. Ce fut le cas pour Open Source Politics, qui a plié mais n’a pas rompu. Rétrospective d’une année pas comme les autres. Il y a un an, alors que nous dépassions 1,5 million de chiffre d’affaires pour la première fois, nous pensions naïvement que notre forte croissance allait se poursuivre. Maintenant que j’ai pris quelques cours de finance, je mesure que notre situation s’est réellement détériorée dès mi-2022.
Pourtant, nos discussions internes du début d’année nous projetaient dans une enthousiasmante réinvention, une évolution vers une forme sociale coopérative accompagnée par une déconstruction de mon rôle patronal. Nous étions engagés dans de beaux projets de transformation, sur le plan technique avec un partenariat structurant avec IndieHosters – qui assure depuis cet été l’info-gérance à haute performance de nos plateformes de démocratie participative – comme dans le cadre de nos missions, dont celles qui nous permettent de suivre et d’accompagner la pérennisation de cet objet politique fascinant que sont les panels citoyens de la Commission européenne.
J’ai débuté l’année en rencontrant celles et ceux qui, autour de nous, avaient contribué ou continuent de façonner les aventures pionnières et engagées du réseau Libre-Entreprise, de MakeSense et OuiShare, de Datactivist, Finacoop ou Noesya – parmi d’autres. Durant ces échanges, on m’a conseillé à plusieurs reprises de documenter nos réflexions, nos avancées, nos doutes. J’ai commencé à le faire dans ces lignes, en planifiant qu’un de mes 3 points mensuels devrait être consacré tout au long de l’année à la transformation d’OSP, en cherchant à chaque reprise un nouvel angle.
Toute la dynamique bascule en l’espace de deux semaines fin avril-début mai. Nos dépenses ont trop augmenté et nos recettes stagnent, voire baissent, à cause de l’inflation, de la dépriorisation de la question du renouveau démocratique dans certaines institutions – pour rester nuancé – et d’une relative saturation du marché français. Notre modèle fondé sur l’auto-financement et le souhait de rester indépendants nous impose alors de réagir immédiatement, en changeant de sujet et de braquet.
Ce retour à la réalité économique du moment intervient à l’entame du mois de nos sept ans. Nous avons abordé le problème de la manière qui nous semblait à la fois naturelle et cohérente : en partageant de manière transparente les données de l’équation avec toute l’équipe, sans distinction de statut ou d’ancienneté. Nos choix déterminants ont été collectifs. Certaines options qui pouvaient paraître moins douloureuses que les départs – comme le retour au télétravail intégral ou la réduction subie du temps de travail pendant six mois – n’ont pas été retenues par l’équipe. Je suis convaincu que nous sommes aujourd’hui plus forts grâce à cette phase de gouvernance participative qui nous a orientés vers d’autres solutions.
Dans une entreprise de services comme la nôtre, il n’y avait pas d’autre choix soutenable que de réduire sensiblement la masse salariale. J’en parlais le mois dernier en rendant hommage à celles et ceux qui nous ont quitté : je suis fier que nous n’ayons pas eu besoin de recourir à des licenciements. Plusieurs membres de l’équipe ont fait le choix d’un départ volontaire dans les deux mois qui ont suivi les premiers signaux alarmants. Leurs compétences leur ont déjà permis de rejoindre les rangs de l’OCDE, de reprendre des études ou de prendre la tête d’associations à Angers ou en Seine-Saint-Denis, de préparer des reconversions dans l’éducation nationale ou la gastronomie solidaire, ou tout simplement de changer d’horizon en entamant de nouvelles étapes de leurs vies en Suisse ou en Catalogne. Personne n’est resté en difficulté – si ce n’est notre équipe opérationnelle, amputée numériquement et affectivement par ces départs, mais qui fait preuve d’une héroïque résilience pour tenir tous nos engagements, accueillir de nouvelles recrues et préparer de nouveaux produits et services pour mieux rebondir.
C’est un fait, nous n’avons pas rempli les objectifs numériques et de transformation statutaire que nous nous étions fixés il y a douze mois, mais nous avons sans doute beaucoup plus appris en traversant ces turbulences qui touchent tout notre secteur et en y apportant une réponse très rapidement. En parallèle, j’ai eu la chance d’être sélectionné par le programme 10.000 Small Businesses, qui m’est d’autant plus utile que j’ai été confronté durement aux questions de gestion de la trésorerie et des relations humaines.
De Rennes à Berlin, des bancs de l’ESSEC aux visioconférences avec des villes organisatrices de budget participatif, les échanges de ces dernières semaines me confirment que notre modèle continue d’attirer et d’inspirer, de répondre à des besoins et de faire avancer les causes qui nous définissent. Si ce n’est la fatigue d’un semestre éprouvant, je déborde d’optimisme et de motivation pour explorer la suite et continuer de la raconter.