Après le cheminement personnel, le changement collectif. Accompagnée par l’expertise unique de Finacoop, l’équipe d’Open Source Politics s’est réunie ces dernières semaines pour réfléchir au meilleur modèle à adopter pour les prochaines années. Le sujet n’est pas nouveau, mais le rythme s’est accéléré. Il nous reste naturellement de nombreuses questions à trancher entre nous, mais nous avons déjà beaucoup progressé sur l’horizon désiré.

J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire à plusieurs reprises : depuis le commencement de cette aventure entrepreneuriale il y a sept ans, nous avons souhaité avec mes trois associés expérimenter la démocratie interne chez OSP. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que la notion de « participation des salariés » renvoie généralement à des dimensions financières plutôt que décisionnelles. Nous avons nous aussi mis en place une politique d’intéressement depuis que nous avons des salariés, mais nous avons toujours cherché à aller plus loin que les seuls avantages économiques.

Chaque palier de croissance de l’effectif a renouvelé notre questionnement et nos méthodes d’organisation et de prise de décisions. Nous avons par exemple été un temps attirés par la sociocratie lorsque nous sommes devenus un groupe étendu dépassant la quinzaine de personnes. En dépit de quelques tentatives, nous n’avons pas réussi à aller au bout de l’application des quatre principes sociocratiques de prise de décision par consentement, organisation en cercles, double lien et élection sans candidat. L’inertie causée par la charge de travail et le poids des fondateurs dans l’organisation rendaient sans doute ce modèle inadapté pour nous. Plus récemment, alors que nous avoisinions la trentaine de personnes impliquées, nous avons compris que le cadre de discussion informel visant le consentement en toute matière ne suffisait plus à traiter certaines questions ni à équilibrer les rapports de forces implicites entre associés et salariés. Enfin, avec le départ d’un membre fondateur l’an dernier, notre forme sociale touchait de nouvelles limites.

Dès lors, plusieurs formes sociales étaient envisageables pour ouvrir un nouveau chapitre, associer tout ou partie des salarié-es au capital et aux prises de décisions. J’ai trouvé un intérêt insoupçonné à les explorer depuis deux mois, depuis les traditionnelles SARL (société à responsabilité limitée) et SAS (société par actions simplifiée) jusqu’aux coopératives SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) et SCOP (société coopérative ouvrière de production, modernisée en société coopérative et participative), en passant par les plus atypiques SAPO (société anonyme de propriété ouvrière) ou les regroupements d’indépendants dans des CAE (coopératives d’activité et d’emploi). J’ai été accompagné dans mes pérégrinations philosophico-juridiques par l’écoute et les conseils inestimables d’une quinzaine de partenaires et soutiens amicaux d’OSP, très souvent impliqués eux-mêmes dans des formes nouvelles d’activité ou de recherche – de la création des premières coopératives impliquant l’État français aux plus récentes thèses sur les communs en passant par la fédération de libres entreprises. L’esprit de piraterie n’est pas loin, ravivant notre flamme de hackers civiques.

De ces échanges, je retiens tout d’abord que les frontières entre statuts ne sont pas figées. Il est possible de donner une coloration particulière à n’importe quelle entreprise, par exemple en se dotant de clauses relevant de l’économie sociale et solidaire comme nous l’avions fait dès la création de la SARL Open Source Politics en 2016. J’ai compris ensuite qu’il n’existe pas de forme parfaite et qu’il faut avant tout aligner les intérêts de toutes les parties prenantes autour d’une vision commune – cet exercice encore inachevé se révèle déjà très fécond à mes yeux. Il me confirme que nous sommes durablement définis en tant que groupe par un principe cardinal : le fort attachement à notre indépendance – technique, politique et financière.

C’est une raison fondamentale pour interpréter le choix qui se dessine très nettement en faveur d’une transformation en société coopérative et participative. En effet, dans une SCOP, 51 % du capital social et 65 % des droits de vote au moins sont détenus par les salariés, qui ont vocation à devenir associés. L’équipe demeure dans tous les cas majoritaire et les bénéfices de l’entreprise sont reversés aux salariés. Le format SCIC, davantage tourné vers un fonctionnement en réseau, présente également une belle résonance avec notre activité, mais nos principaux bénéficiaires sont des acteurs publics qui n’ont pas encore l’habitude de s’impliquer dans pareille gouvernance. Car c’est bien là la clé dans une SCOP : l’information sur la vie de l’entreprise circule en transparence et en confiance, chaque salarié associé dispose d’une voix égale dans les choix, quels que soient son statut, son ancienneté et le montant du capital investi. Ainsi, l’entreprise remplit pleinement son ambition démocratique en parallèle de sa finalité économique.