Des États-Unis à la Roumanie, du Proche-Orient aux bancs de notre Assemblée nationale, le mois qui vient de s’écouler illustre, dans toutes les sociétés, la montée d’une polarisation qui rend inacceptable l’altérité. C’est une tendance de fond, un poison durable et difficile à inverser. Il y a très exactement quatre ans, j’imaginais dans ces lignes une expérience de « concitoyenneté aléatoire« , sous la forme d’un tirage au sort qui réunirait cinq cents paires de familles pour des échanges de plusieurs semaines.
Comme plus de 6 000 personnes, j’ai vécu en novembre une expérience comparable en participant à la première opération « Faut qu’on parle » en France. L’initiative My Country Talks existe depuis 2017 en Allemagne – elle a été créée par le média Die Zeit en réponse à la première élection de Donald Trump, tiens donc ! – et près de 300 000 personnes ont déjà participé à une variante dans le monde. L’impact a été étudié par des chercheurs de Stanford et Harvard et le résultat est net : les sentiments négatifs sur les personnes qui ne partagent pas nos idées diminuent de 77 % après un tel moment d’écoute réciproque. Non négligeable alors que trois quarts des Français pensent que les divisions sont trop importantes pour continuer à faire société ensemble et qu’un Français sur quatre a même le sentiment de ne pas faire pleinement partie de la société.
Problème pour cette première, d’après plusieurs témoignages que j’ai pu lire : les opinions confrontées n’étaient pas si différentes. J’ai vécu la même chose en partageant un thé à Paimpont avec Pierre-Yves, 50 ans, ingénieur chez Orange à Rennes qui anime des Fresques du climat pour ses collègues et participe le weekend aux actions du réseau Action Climatique. Nous avons passé un bon moment, mais nous étions beaucoup trop semblables pour exposer des désaccords. L’audience limitée de cette première édition, principalement relayée par les médias Brut et La Croix, n’est malheureusement pas encore assez large pour toucher des franges opposées de la société. Qu’importe, le guide de conversation reste une intéressante ressource et il faut qu’on en parle pour accueillir plus de diversité l’an prochain !