Utilisateur compulsif au porte-feuille illimité, Elon Musk a annoncé fin avril son intention de racheter Twitter pour près de 44 milliards de dollars. Le fondateur de Tesla et SpaceX se dote ainsi d’un outil central pour le partage de l’information à l’échelle mondiale, et rejoint d’autres membres du club des super-super-riches dans le contrôle actif des médias sociaux et, plus largement, de nos moyens de communication. Les quelques promesses d’investissement dans l’amélioration du logiciel pèsent peu face à la menace d’un alignement de l’outil avec la vision libertarienne et les intérêts d’Elon Musk. Une liberté d’expression sans cadre pourrat vite se transformer en liberté d’oppression sur un réseau déjà trop propice au cyber-harcèlement.

Il est intéressant d’observer depuis quelques semaines l’usage plébiscitaire qu’Elon Musk fait de son compte aux 90 millions de followers. S’il n’est pas souhaitable de gouverner par référendum sans délibération ni contre-pouvoirs, cette méthode de prise de décisions binaires et instantanées peut-elle s’appliquer à la gestion d’une entreprise qui édite un logiciel aux 430 millions d’utilisateurs mensuels ?

Je suis moi-même très attaché à Twitter depuis onze ans. J’ai pu sans difficulté me couper de Facebook en 2018, migrer une partie de mes conversations sur Signal plutôt que WhatsApp l’an dernier et rester sur un usage très intermittent des autres réseaux, mais me passer définitivement de Twitter, qui est l’une de mes principales sources d’information au quotidien, est un vrai dilemme.

Je tweete peu, mais je « retweete » beaucoup. Parfois pour amplifier modestement des messages, surtout pour garder ces éléments de veille en mémoire vive. D’autres services sont probablement plus adaptés pour remplir la fonction de marque-page. En revanche, pour l’accès direct à une vaste galaxie de comptes sur les sujets qui m’intéressent, l’alternative décentralisée Mastodon, aussi louable soit-elle, manque encore de l’effet réseau.

Je me fixe une première étape en désinstallant, dès aujourd’hui, l’application de mon téléphone. Cela devrait limiter le réflexe de consulter mon fil d’indignation favori à chaque pause de ma journée. Si je ne ressens pas trop de perte dans mon degré moyen d’information au cours du prochain trimestre, j’évaluerai l’option d’archiver mes 20 000 tweets et de fermer mon compte.