Notre Ve République présidentialiste est tellement à bout de souffle que nous sommes déjà démotivés six mois avant la prochaine élection, dépités devant une confrontation d’opinions qui n’a jamais semblé aussi malsaine. Avec l’accord de gouvernement présenté par sa nouvelle coalition « feu tricolore », l’Allemagne parlementaire nous présente un contre-point saisissant. Deux mois après l’élection de fin septembre, le parti social-démocrate (SPD), le parti libéral-démocrate (FDP) et le parti vert (Die Grünen) ont rendu public un accord de 177 pages qui détaille un réel projet de société pour gouverner de manière stable durant les quatre prochaines années. « Nous avons des traditions et des perspectives différentes, mais nous sommes unis par la volonté d’assumer ensemble la responsabilité de l’avenir de l’Allemagne.«
Aboutir à un document aussi ambitieux et précis, c’est avant tout le fruit d’une méthode. Le Grand Continent, qui a assuré un travail exceptionnel de traduction sélective, indique que les trois partis ont créé vingt-deux équipes pour mener les négociations thématiques en parallèle, et mis en place un groupe de coordination pour résoudre les difficultés. Chaque partie prenante a respecté la confidentialité des discussions et les différents n’ont pas été étalés par médias interposés. Transition accélérée vers les énergies renouvelables, augmentation du SMIC, égalité salariale entre femmes et hommes, maintien des retraites, conception de l’Allemagne comme une « société d’immigration diversifiée« , engagement pour la réforme des traités européens dans la continuité de la Conférence pour l’avenir de l’Europe, géopolitique du climat et des droits humains… Il y a naturellement des spécificités allemandes sur certaines questions, mais ce vent de progrès percute tellement à rebours les thèmes de notre pré-campagne franco-française que l’on se prend à espérer qu’il insuffle le même devoir de responsabilité chez nos dirigeants.
Notre mode de scrutin impose de réfléchir à la coalition avant la présidentielle et les législatives. La primaire populaire, évoquée ici en juin dernier, a déjà rassemblée 220 000 électrices et électeurs qui souhaitent une candidature unique pour faire gagner l’écologie, la démocratie et la justice sociale au printemps prochain. Malgré le silence des trois candidats déclarés à gauche, la pression monte. Du 27 au 30 janvier prochain, nous pourrons expérimenter le jugement majoritaire pour les départager « malgré eux ». Pour suivre le mouvement allemand et adapter nos politiques à la trajectoire de l’accord de Paris, ce sera 2022 ou jamais.