Lorsque j’avais dix ou onze ans et que je regardais les reportages de Téléfoot ou Stade 2 sur les centres de formation qui fleurissaient après le Mondial 98, je me disais qu’il aurait fallu que je grandisse hors d’une grande ville pour jouer moi aussi dans un club de foot. Nous avions la chance de disposer d’une maison de campagne, mais nous n’y allions pas assez assidûment hors des belles saisons pour que je puisse m’inscrire au club local. À Paris, enfant pas aussi confiné que ceux d’aujourd’hui, je pratiquais les sports plus accessibles de chez moi (tennis de table et sur court) ou autorisés dans les cours de récré (basket). Ce n’était pas un véritable regret, mais plutôt la projection d’une vie parallèle. Il est amusant qu’un quart de siècle plus tard, je puisse m’inscrire à l’Union Sportive Paimpont-Concoret, joli club de division départementale morbihannaise. Je fais figure de vétéran extra-terrestre dans un vestiaire où les joueurs sont âgés de 16 à 26 ans, mais j’ai été accueilli avec bienveillance.
Foulant de nouveau les pelouses, je regarde avec un intérêt renouvelé les champions du ballon rond. Pour les fans de foot, un terrible dilemme se présente avec la Coupe du Monde qui se tiendra au Qatar du 20 novembre au 18 décembre. Rien dans cette compétition n’est acceptable : de lourds soupçons de corruption autour d’une attribution douteuse, des stades construits par des esclaves modernes venus d’Asie dont 6 750 auraient perdu la vie sur les chantiers, un pays rétrograde sur la condition des femmes et des homosexuels, un recours écocidaire à une absurde climatisation en plein air pour que des matchs puissent se jouer dans le désert. L’argument selon lequel l’organisation d’un tel rassemblement mondial force le régime qatari à changer ne me convainc plus : on disait la même chose avant les Jeux Olympiques de Pékin, et s’il est indéniable qu’une ouverture de la Chine sur le monde a eu lieu autour de 2008, la page s’est vite refermée dans l’empire de Xi Jinping. Nous ne pouvons plus nous permettre un si scandaleux gâchis. C’est donc décidé pour ma part : je boycotterai la retransmission de tous les matchs de cet hiver.