Ceux qui doutaient encore de la réalité concrète de l’urgence climatique ont perdu cet été, nous dit-on, leur insouciance. Une sécheresse inédite et dramatique sur tout le territoire français, trois vagues caniculaires intenses, des feux de forêt sur des sites emblématiques – et ce n’est rien comparé à ce qu’ont subi d’autres pays ces dernières semaines. Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur les conséquences directes, désormais éprouvées par tous, ni sur le fait que nous n’en sommes qu’à +1,1°C alors que l’objectif de contenir le réchauffement sous les 2°C en 2100 apparaît d’ores et déjà quasiment inaccessible.

Nous savons également que les émissions de gaz à effet de serre suivent la courbe exponentielle des inégalités économiques. C’est le mode de vie des plus riches qui doit le plus drastiquement être contraint. Le nôtre, certes, par rapport à la majorité de nos semblables qui vivent sous d’autres latitudes. Plus encore, au sommet de la pyramide, il y a celui des très fortunés, dont les égoïstes excès, scandaleusement assumés, ont un impact démesuré.

Nous sommes nombreux à sentir croître à leur égard un appétit de révolte. Il y a quelques années, je me retenais – peut-être à tort – de l’envie de taguer d’un message réprobateur les SUV sans cesse plus nombreux dans les rues de Paris. D’autres ont franchi le pas : après avoir dégonflé les pneus de ces véhicules aussi inutilement polluants qu’inadaptés à la circulation urbaine, le collectif « La Ronce » s’attaque désormais aux panneaux publicitaires lumineux. La sécheresse a éveillé de nouvelles formes de sabotage spontané, fortement symbolique et bien souvent accompagné d’un message poétique. Des jacuzzis ont été percés dans les Vosges et des trous de golfs ont été cimentés à Toulouse pour dénoncer l’incohérence entre les restrictions appliquées à toute la population et les exceptions officielles accordées à certaines activités, qui se trouvent être essentiellement pratiquées par les plus favorisés.

Donner à voir ces phénomènes permet d’accroître la pression sur ces sur-consommateurs de ressources, que l’on peut qualifier d’accélérateurs de l’écocide qui menace nos vies. Comme ils sont une infime minorité, ils se réfugient derrière le faible pourcentage des émissions globales qu’ils représentent. Pourtant, rapporté à une échelle individuelle, leur confort est tout de suite moins supportable. Lle compte Twitter « I fly Bernard » suit les déplacements de six jets privés appartenant aux plus grands patrons français. Ces itinéraires proviennent des données libres des vols aériens, dont le caractère public est totalement justifié. Une heure de vol en jet privé émet jusqu’à deux tonnes de CO2, soit très exactement l’empreinte annuelle à laquelle chacun de nous doit se limiter au plus tôt d’ici 2050. Autrement dit, il ne faut plus prendre ces jets privés, qui représentent 10 % des départs depuis les aéroports français. Cet exemple marquant en inspirera d’autres ; la guérilla ne fait que commencer.


19 tonnes de CO2 en une journée pour l’avion de Bolloré.
Chacun doit faire un « petit geste » pour le maintien d’une planète vivable…