C’est annoncé : l’année 2021 est déjà condamnée à reproduire, peut-être même en pire, le désastre de 2020. Une année perdue en attendant l’immunité collective. Une année de souffrances pour beaucoup, tant les pertes de proches, d’emplois ou de libertés publiques vont crescendo. Une année chaude, puisque c’est désormais l’inévitable norme. Une année politiquement inutile, tant on nous persuade que le scénario d’un nouveau duel Macron-Le Pen en 2022 est écrit d’avance. Réalisé ces dernières semaines par mes soins – de manière fort peu scientifique et auprès d’un échantillon tout sauf représentatif – mon sondage est formel : la lassitude nous engourdit. Au fond, nous le savons par-delà nos inquiétudes, ce n’est surtout pas le moment de baisser les bras. C’est en 2021, parce qu’il est déjà bien tard, qu’il faut y croire. C’est en 2021, dans ce contexte inédit, qu’il faut tenter des choses. Dans le champ du travail comme dans le monde des idées.
Parmi les facteurs de lassitude, les réseaux sociaux me tiennent informés des pires informations et discours du moment, mais ils me permettent également de suivre et relayer des germes d’activisme, des démarches lancées par ceux – et le plus souvent celles – qui osent porter le fer là où nous n’avons pas le temps – et le plus souvent le courage – d’aller. Parmi cette nouvelle génération sur laquelle nous pouvons placer quelque espoir, le collectif baptisé Rencontre des Justices a franchi un palier important courant décembre en présentant, à 500 jours de l’élection présidentielle, un projet et une méthode. Comme d’autres, cette initiative n’a pas encore reçu l’attention qu’elle mérite. Son « Ordre du jour de la décennie », programme composé de 30 victoires plus ou moins faciles à atteindre d’ici 2030 – et qu’il reste à financer pour la plupart – reprend les inspirations de la Convention Citoyenne pour le Climat et les étend aux autres champs des politiques sociales et sociétales. Il y a matière à débat, et c’est justement le but recherché : proposer une plateforme aux candidat-es à la candidature afin d’éviter que les chefs à plumes partent en rangs dispersés. Trois scénarios sont proposés pour faire converger le « bloc des justices », qui rassemble à gros traits des convaincus du répit, et ainsi disputer le match face aux blocs du déni productiviste et du repli nationaliste.
Derrière cette Rencontre des Justices, près de 400 personnes engagées dans l’entrepreneuriat et les mouvements associatifs mais majoritairement à la marge des partis politiques, affichant une moyenne d’âge de 32 ans et une proportion de 57 % de femmes. Le collectif est fortement inspiré par les mouvements américains – nous en parlions en novembre 2020 – et notamment Sunrise dont ils annoncent la création d’un équivalent français. L’enjeu d’éviter ou de fortement encadrer les négos entre égos est crucial pour espérer une issue alternative au second tour. J’apprécie notamment l’idée d’organiser une primaire des idées et/ou des candidats avec sélection au jugement majoritaire – c’est-à-dire que chaque votant donnerait une appréciation sur chaque option et la victoire irait à la meilleure moyenne générale parmi tous les votes. Elle rebattrait les cartes et injecterait une bonne dose d’innovation démocratique. N’en doutons pas : 2021 nous réserve de bonnes surprises.