Chaque jour qui passe depuis le retour de Donald Trump à la Maison blanche nous projette dans un plus grand abîme de peur et de perplexité. En l’espace de quelques semaines à peine, sa nouvelle administration et ses déclarations tonitruantes ont fait exploser les fragiles piliers de l’ordre géopolitique.

Après avoir proposé de mettre un terme au conflit qui ensanglante le Moyen-Orient en expulsant les Palestiniens d’un territoire qu’il annexerait pour le transformer en Riviera luxuriante, puis rompu l’alliance qui prévalait depuis la Seconde Guerre mondiale par l’intermédiaire du vice-président J.D. Vance venu à Munich dénoncer les Européens, et dégainé dans la foulée des droits de douane qui vont ralentir l’économie mondiale, les États-Unis se sont alignés devant l’Assemblée générale des Nations-Unies sur les positions de la Russie de Vladimir Poutine, trois ans après son agression unilatérale de l’Ukraine.

Le dernier épisode, aussi sidérant que les précédents, s’est joué en mondovision depuis le Bureau ovale ce vendredi 28 février, avec un Donald Trump sermonnant Volodymyr Zelensky et lui demandant de se rendre aux conditions de Moscou et de céder les ressources de son pays à l’Amérique en remboursement de l’aide reçue sous le mandat de Joe Biden. Notre Europe ne peut qu’être lucide sur les conséquences de cet impensable et inadmissible revirement pour notre propre sécurité – nous semblons heureusement en prendre promptement le chemin, mais quelle issue positive peut-il y avoir dans un monde qui réarme ses soldats pour suivre l’escalade de ceux qui désarment la lutte qui devrait nous rassembler contre l’urgence climatique ?

Des visions de plus en plus antagonistes du monde se confrontent et il est impossible d’anticiper où nous conduiront les quatre années de folie qui ne font que débuter. Les fondements de notre contrat social sont directement ciblés lorsque les voix de la science et de l’altérité sont étouffées et que les alternative facts sont promus dans une confusion volontaire du langage. Cette stratégie ouvertement fasciste est consciente et n’a pour but que de créer de la division et de rendre impossible la discussion dans un espace devenant trop polarisé. Quand on ne sait plus débattre, on en revient à se battre. De ce mélange de glaçantes répétitions du siècle dernier et de réalisation au pied de la lettre des fictions qui nous mettaient en garde, comme nous le disions déjà le mois dernier, comment pouvons-nous résister en nous et autour de nous ?

Ne pas tolérer l’intolérance, comme nous l’a déjà appris Karl Popper. Ne pas renoncer à l’idée fondatrice de la démocratie que chacun est capable de comprendre et donc légitime à participer aux décisions qui nous engagent tous, même les plus complexes. Et qu’à la fin des sacrifices et des peines qui risquent d’advenir, ce sont celles et ceux qui aiment vraiment la vie et les autres qui gagneront. Alors d’accord ? 

Le regard de Zelensky trahit notre incrédulité face à la bascule du monde et l’engrenage de conflits que Trump est en train d’accélérer.