La Route a désormais suivi trois itinéraires complémentaires pour s’enraciner dans nos imaginaires – sans compter le jeu vidéo The Last Of Us qui s’est inspiré du roman initial. Chaque medium a amené une nouvelle lecture de l’œuvre de Cormac McCarthy publiée en 2006, qui s’est imposée par sa simplicité et sa profondeur et a été récompensée du Prix Pulitzer.
Un homme et son fils sont deux des rares survivants anonymes d’un effondrement apocalyptique dont on ne connaît pas la cause. Poussant un caddie rempli de leurs dernières vivres et affaires, ils errent dans le froid d’un hiver nucléaire en quête du sud et de la mer, se rattachant au seul espoir d’y trouver de meilleures chances de survie. Ils parlent peu et leur route est aussi rude que redoutable. Chaque rencontre les place en position d’effroi ou de proies. La violence et la mort, la barbarie et le cannibalisme étant omniprésents dans ce monde rapidement retourné à l’état sauvage.
L’adaptation cinématographique de John Hillcoat en 2009, avec Viggo Mortensen dans le rôle du père, avait apporté une froide palette de neige, de crasse et de cendres à l’écran. L’incarnation en images ne nous en apprenait pas beaucoup plus sur le parcours des protagonistes, qui demeuraient les figures universelles d’un père épuisé qui tente de protéger son fils apeuré face aux périls d’un avenir très incertain. Tant qu’ils sont en vie, ils s’accrochent.
Je viens de lire l’autre adaptation, sortie l’an dernier sous forme de bande-dessinée. Connu pour ses séries plus légères Le Combat ordinaire (2003-2008) et Le Retour à la terre (2002 à 2008 puis 2019), Manu Larcenet avait déjà exploré la noirceur dans Blast (2009-2014). Son trait magnifiquement précis et évocateur apporte une nouvelle expérience visuelle dramatique à ce bout de la route. Dans les deux sens de l’expression : le douloureux parcours initiatique nous délivre tragiquement à un terme du périple. Le superbe traitement quasiment monochromatique tout au long de l’album s’achevant sur un clair obscur qui nous encourage à redoubler de résilience pour poursuivre la route que ne peuvent plus suivre ceux qui jusque-là nous avaient guidés.
« Alors d’accord« , comme le répète « le petit », à peine rassuré.
