Dans la grille d’analyse matérialiste, la police est accusée de maintenir les intérêts de la bourgeoisie au pouvoir. Dit autrement, les bourgeois peuvent, entre autres critères, être définis comme les individus qui se trouvent sécurisés par la présence de « forces de l’ordre », par opposition aux membres des dangereuses classes laborieuses qui se sentent parfois directement menacés à la vue d’un uniforme. Pour ma part, je me suis toujours figuré dans la première catégorie – ouch, un autre marqueur. Cela s’explique peut-être par le fait qu’à ce jour je n’ai jamais fait l’objet d’un contrôle d’identité inopiné en pleine rue ou à la sortie des transports en commun, alors que j’ai pu assister à des interventions bien trop « ciblées » à Paris comme à Aubervilliers.
La France a déjà été officiellement condamnée ces dernières années pour des cas avérés de contrôles au faciès. Le Défenseur des Droits vient également de dénoncer des discriminations systémiques dans les interventions, parfois violentes, de la police du 12e arrondissement de Paris. Il y a eu la mort d’Adama Traoré en 2016. Il y a eu l’escalade de violence physique et verbale pendant et depuis les manifestations des Gilets Jaunes. Rappelons qu’elles sont toujours niées par le Ministre de l’Intérieur dans des discours orwelliens en dépit des enquêtes journalistiques poussées (analyse vidéo par Le Monde d’une manifestation à Bordeaux) et de signalements vérifiés par centaines sur les réseaux sociaux, par David Dufresne notamment. Il y a eu, parmi les « bavures » survenues ces dernières semaines, le cas de Gabriel, 14 ans (!), qui est sorti d’une garde à vue à Bondy avec un traumatisme facial et crânien.
Personne ne conteste la difficulté, sans doute renouvelée, pour les policiers et gendarmes d’exercer leur mission. Ni le fait qu’il existe une majorité, que l’on espère très large, d’agents intègres. Par contre, la liste qui ne cesse de s’allonger des violences parfaitement documentées dit une chose très claire : nous avons un problème avéré de violence policière en France, combiné à un racisme galopant et massivement couvert par les autorités. Il est de notre responsabilité collective de dénoncer ces actes, de nous mobiliser pour qu’ils soient sanctionnés et cessent au plus vite.
J’avais prévu de consacrer un point du mois à ce sujet de plus en plus récurrent et inquiétant en découvrant des réactions surréalistes aux propos de la chanteuse Camelia Jordana, qui expliquait le 23 mai sur France 2 qu’elle faisait partie des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à la police. Puis il y a eu la mort de George Floyd à Minneapolis le 25 mai, qui a donné une résonance mondiale à la lutte contre les violences policières et les discriminations raciales. #BlackLivesMatter, ici et partout ailleurs.
Une image forte parmi tant d’autres en provenance des États-Unis (source : Mark Clennon sur Twitter).