Le point où nous atterrirons après la pandémie est incertain. Une seule chose semble sûre : ceux que je classe dans le camp du déni sont déjà à la manœuvre pour imposer un retour accéléré à l’anormal. Pour développer les gestes barrières contre la reprise des excès de notre mode de vie, le sociologue et philosophe Bruno Latour a proposé le questionnaire suivant :
- 1. Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?
- 2. Décrivez pourquoi ces activités vous apparaissent comme nuisibles, superflues, dangereuses ou incohérentes.
- 2 bis. Décrivez en quoi la disparition de ces activités rendrait d’autres activités que vous favorisez plus faciles ou plus cohérentes ?
- 3. Quelles mesures préconisez-vous pour que les personnes qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?
- 4. Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent et celles qui devraient être inventées en remplacement ?
- 5. Décrivez pourquoi ces activités vous paraissent positives.
- 5 bis. Décrivez comment ces activités rendent plus faciles, harmonieuses ou cohérentes d’autres activités que vous favorisez.
- 5 ter. Décrivez comment ces activités permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables.
- 6. Quelles mesures préconisez-vous pour aider les personnes à acquérir les capacités et les moyens permettant la reprise ou la création de vos activités privilégiées ?
Je vous incite à faire l’exercice, seul-e ou à plusieurs, d’autant plus qu’un site mis en place par le Médialab de Sciences Po vient d’ouvrir ses portes pour collecter toutes nos réflexions.
Les premières mutations auxquelles j’aspire font écho à des thèmes déjà abordés dans les 3 points : réduire drastiquement les déplacements en avion (juillet 2019) et l’étalement urbain (décembre 2018) ; encourager le retour des trains de nuit (septembre 2019) et la généralisation du vélo (janvier 2020) ; télétravailler au moins certains jours de la semaine (avril 2020) ; diminuer fortement l’impact de la publicité, en particulier les campagnes sexistes (décembre 2019) ou promouvant des produits polluants. Reste à garantir l’acceptabilité sociale des nouvelles contraintes.
Une question, relativement nouvelle pour moi, vient s’ajouter : la priorité ultime accordée à la santé dans notre société. Les conséquences de sa prépondérance méritent sans doute d’être questionnées, comme ici par André Comte-Sponville ou là par Alain Damasio, mais c’est surtout un réinvestissement public massif qui s’impose après des décennies de gestion à courte vue, comme l’illustre cette vidéo de Datagueule.