Octobre fut un mois très dense, au milieu duquel le débit d’absurdité politique d’une Ve République exsangue s’est encore accéléré. Cela paraît déjà loin, mais nous venons de vivre une séquence inouïe. Alors qu’il avait mis près d’un mois à être nommé et que son casting était quasiment inchangé par rapport au précédent, le premier Gouvernement dirigé par Sébastien Lecornu n’a duré que 14 heures ! Après une brûlante semaine sur la ligne de crête, un deuxième Gouvernement mené par le même Sébastien Lecornu – pourtant démissionnaire – a finalement été renommé. L’équipe est cette fois-ci encore plus resserrée autour des soutiens d’Emmanuel Macron, que ses lieutenants et anciens Premiers ministres eux-mêmes disent ne plus comprendre. Ce régime est en état de délitement avancé depuis la dangereuse dissolution de juin 2024. Nous ne sommes probablement pas au bout de nos surprises… 

Depuis la précédente édition des 3 points, j’ai enchaîné trois déplacements qui ont rendu ce mois d’octobre éreintant. Mon périple a commencé par une « pitch competition » autour de l’avenir de la démocratie numérique européenne. L’événement organisé le temps d’un weekend à Leuven en Belgique réunissait vingt-sept expert-es en design, tech ou science politique pour un exercice de prototypage inédit. Après avoir longtemps discuté de l’axe sur lequel travailler, notre trio réuni aléatoirement a planché sur « d-bat« , une application ludique inspirée de Duolingo, du Sutom et des robots conversationnels, mais conçue pour renforcer la confiance en soi, l’esprit critique face à la désinformation et l’engagement dans les débats. Je continue de repenser de temps en temps au concept et trouve ce projet toujours aussi amusant que pertinent. 

Le lendemain, héritant du surnom de « train guy » auprès des organisateurs qui m’invitaient au sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, j’enchaînais les changements de bus et trains pour rejoindre Vitoria-Gasteiz au pays basque espagnol. Pendant que la France sombrait dans le chaos politique, je faisais l’expérience réjouissante d’un cliché de diversité européenne, en passant du dîner à 18h dans une ville flamande pluvieuse aux tapas en terrasse à 21h. Comme j’assistais à un événement diplomatique international et y retrouvais des connaissances professionnelles de tous les continents, j’ai eu envie de creuser le principe de citoyenneté mondiale, qui figurait dans Le Ministère du Futur de Kim Stanley Robinson dont j’achevais la lecture – l’idée et le livre finiront au menu de ma deuxième lettre d’anticipaction

Enfin, le mois d’octobre s’est achevé à Strasbourg avec la huitième édition de Numérique en commun[s], un événement mettant à l’honneur le numérique d’intérêt général, notamment développé par l’État. En marge de l’événement a été officialisée la création du European Digital Infrastructure Consortium (EDIC) à l’initiative de la France, de l’Allemagne et des Pays-Bas. Ce nouveau cadre européen de coopération et d’investissement dans les communs numériques donne du crédit à la démarche que nous avons initiée avec LaSuite.coop. Tous ces logiciels éthiques, libres et souverains qui nous permettent d’entrevoir des alternatives sont conçus, développés, testés, traduits, modérés et financés par des milliers de contributions individuelles auxquelles nous avons voulu rendre hommage en lançant la campagne We Make Commons. Ne nous voilons pas la face : le modèle démocratique européen est la cible d’attaques de plus en plus frontales, mettons nos énergies en commun.