Dans la nuit du 29 au 30 avril, ma grand-mère paternelle est décédée paisiblement, au cours d’un long sommeil qu’elle ne quittait plus que ponctuellement depuis plusieurs semaines. Elle était entrée dans son cent troisième printemps. Une longévité phénoménale ! Même si la dernière décennie s’apparenta à un lent déclin, avec la perte de mon grand-père début 2019, puis graduellement de l’ouïe, de la vue et de la lucidité, elle avait connu précédemment et jusqu’à un âge très avancé une vie en pleine santé.
J’ai déjà raconté il y a deux ans et demi, à l’occasion de son centenaire, une partie de son histoire personnelle romanesque, de sa naissance en Algérie à la traversée incrédule de la Méditerranée en 1962. En relisant les précédents points consacrés à mes inséparables grands-parents, ce sont les mêmes mots et images qui, une nouvelle fois, me viennent spontanément à l’esprit.
Nous les avons le plus souvent vus, ma sœur et moi, dans leur appartement ensoleillé d’une cité de Cannes La Bocca. Ils incarnaient à leur manière une génération qui a grandi avec la guerre et profité du progrès venu après, ce dont leur salon exposait quelques vestiges. Mes principaux souvenirs correspondent à des rituels, dont l’expérience s’est répétée sans bouleversante variation du début des années 1990 jusqu’au milieu des années 2010 : au réveil, la lecture de Nice-Matin pour mon grand-père et les mots-fléchés pour ma grand-mère – une activité qui l’entretenait et occupait ses matinées jusqu’aux longues heures consacrées à la préparation des repas de fête qu’elle nous réservait, couscous et paella en tête – puis, quand nous revenions de la plage ou de chez nos cousines et cousin, l’enchaînement des jeux télévisés de fin de journée. Enfin, les bons soirs, un match de football qu’elle suivait avec grand intérêt avant de s’endormir inévitablement au cours de la seconde mi-temps.
Au terme naturel d’une telle vie, simple et joyeuse pour la part que j’ai partagée, il n’y a pas lieu d’être triste. En repensant aujourd’hui à mes grands-parents et aux moments passés ensemble, j’éprouve essentiellement une douce nostalgie pour un temps qu’ils ont emporté avec eux.
