Le 25 janvier, je soutenais le « plan de croissance » construit pour Open Source Politics durant la formation en école de commerce que j’ai eu la chance de suivre depuis septembre. Ce samedi 3 février, j’intervenais sur une table-ronde questionnant le rôle des entreprises dans une société des communs qui érige le capitalisme marchand et le néolibéralisme autoritaire en ennemis. Derrière l’apparente contradiction, l’écart n’est pas si grand. Mieux, la maîtrise des deux mondes me paraît indispensable pour assurer la pérennité de notre projet.
J’étais intrigué mais sceptique quand j’ai reçu il y a près d’un an une invitation à candidater à la formation 10,000 Small Businesses. Comment le jury composé d’un professeur émérite de finance de l’ESSEC et du directeur des fusions et acquisitions de Goldman Sachs en France pouvait-il être réceptif au discours et au modèle d’Open Source Politics, à nos statuts ESS, à notre gouvernance partagée, à notre modèle économique bâti autour de logiciels libres qui, par définition, réduisent notre valeur financière ? J’ai choisi de ne rien édulcorer de notre ADN et, comme souvent, l’authenticité du message a fonctionné. Il a fallu faire de la place dans mon emploi du temps pour suivre cette formation intensive, mais elle fut aussi stimulante que bénéfique pour orienter nos décisions stratégiques et reconstruire un modèle de rentabilité durable pour notre équipe et les communs numériques auxquels nous contribuons.
Être un acteur du marché revendiquant de s’inscrire dans une démarche entrepreneuriale peut éveiller des soupçons dans le monde très hétérogène et militant des communs. Trois ingrédients sont nécessaires pour définir un commun : une ressource à partager, une communauté d’acteurs et une gouvernance propre. De telles ressources se trouvent tout autour de nous : l’eau, une forêt, un logiciel, une base de connaissances, un événement social… En déléguant leur gestion à la puissance publique ou aux seuls intérêts privés, en donnant une primauté aux droits d’auteur ou de propriété, nous avons perdu notre capacité à agir ensemble sur ces ressources. Or, leur devenir relève de l’intérêt général et nous constatons partout qu’une exploitation sans limites ou contreparties aboutit inexorablement à leur dramatique épuisement.
Il est parfois difficile de concevoir et d’expliquer que l’alternative collaborative réside dans le fait qu’un commun n’appartient pas à tout le monde, mais plutôt à personne. Deux choses paraissent claires cependant : lorsqu’ils sont bien gérés, les communs bénéficient au plus grand nombre ; s’ils relèvent de champs très différents, et ne peuvent donc pas suivre un modèle uniforme, les communs sont complémentaires et forment un projet de société cohérent. L’éternelle question de stratégie politique est alors reposée et n’a pas trouvé de réponse définitive : est-il possible et préférable de porter la voix des communs au sein des organisations du système dominant ou de s’en détourner pour explorer une voie des communs épurée de toute compromission ?