Deux ans depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et, même si d’autres colères agricoles, démocratiques et écologiques agitent nos contrées, rien n’égale ce mois-ci le dégoût et la révolte qu’inspire l’assassinat par Vladimir Poutine d’Alexeï Navalny, le principal opposant à son régime. Anna Politkovskaïa en 2006, Boris Nemtsov en 2015, Alexeï Navalny cette année ; les voix dissidentes sont froidement empoisonnées et emprisonnées, les déserteurs sont pourchassés et exécutés partout sur la planète, à l’image du pilote Maxim Kouzminov qui avait livré son hélicoptère de combat à l’armée ukrainienne et a été tué quelques mois plus tard en Espagne. Le tyran a depuis longtemps dépassé toutes les limites et nous ne pouvons qu’espérer que son temps au pouvoir soit désormais compté et qu’il soit un jour présenté devant la Cour pénale internationale pour répondre de ses crimes.

Lawrence Lessig a bien cerné ce qui faisait de Navalny un modèle d’exception. En prenant le risque de rentrer en Russie début 2021 après avoir été soigné de son empoisonnement à Berlin, il ne pouvait ignorer ni le sort qui l’attendait, ni la douleur qui en découlerait pour sa famille et ses soutiens. Pourtant, faire la chose juste était la seule issue acceptable pour ce combattant sans peur de la clique kleptocratique installée au Kremlin. Par son geste sacrificiel, il a achevé de démontrer au monde et à ses concitoyens la brutalité, la corruption et les manipulations sur lesquelles Vladimir Poutine fonde son oppression.

Le Monde a retranscrit la correspondance épistolaire de Navalny avec le dissident soviétique Natan Sharansky, qui fut placé à l’isolement dans le même goulag du temps de l’URSS et à qui j’ai repris cette expression d’une dissidence avec du style. J’ai retiré de leurs échanges cette phrase, qui correspond à ce que j’ai ressenti après le 16 février : « En prison, j’ai découvert que, outre la loi de la gravitation universelle des particules, il existe aussi une loi universelle de la gravitation des âmes. En restant un homme libre en prison, Alexeï, vous touchez l’âme de millions de personnes dans le monde.« 

Le combat contre Poutine se poursuit. De l’intérieur bien sûr, avec des milliers de citoyens russes qui ont bravé les menaces pour rendre hommage à Navalny et relayer le message de sa femme Yulia Navalnaya. De l’extérieur aussi, où il nous faut continuer de repousser la propagande russe et ses relais politiques et médiatiques occidentaux. Il faut lire pour cela les dernières révélations des KremlinLeaks et du rapport « Portal Kombat » par Viginum, nouveau service de l’État chargé de la protection contre les ingérences numériques étrangères. Il faut soutenir aussi l’association Russie Libertés, pour laquelle plusieurs amis ont œuvré depuis des années et qui nous rappelle de ne pas oublier d’autres opposants qui, comme Ilia Iachine, poursuivent à l’heure actuelle, du fond de leurs cellules, une résistance empreinte du même courage.

Alexei Navalny en 2020 (source : Wikipedia).