De l’aveu même d’un certain Emmanuel Macron – celui de 2019 – il serait « hypocrite » de repousser l’âge légal de départ en retraite compte tenu des difficultés rencontrées par les seniors. En effet, si le taux d’emploi des 55-64 ans progresse continuellement depuis vingt-cinq ans, seuls 56 % sont en activité, contre près de 72 % en Allemagne. À l’époque de ses propos, le premier Gouvernement d’Emmanuel Macron ambitionnait, après huit réformes « paramétriques » en trente ans, de mener une réforme globale inédite en France. Elle devait créer un régime universel de retraites par points et instaurer une souplesse individuelle fondée sur le choix de partir avant un âge pivot avec décote ou après avec bonus. Les variations dans le temps de la valeur du point et de l’âge pivot devaient garantir un équilibre pérenne du système par répartition. Déjà contestée à l’époque malgré une longue consultation – qui était nettement plus ouverte que celle qui vient d’avoir lieu et qui n’en mérite pas vraiment le nom – la réforme avait été emportée par l’arrivée du Covid.

Il est curieux que le président de la République n’explique pas davantage ce qui a motivé son revirement, ni son choix borné, parmi de nombreuses réformes possibles, pour celle qui semble présenter la plus grande injustice. Les cas de précarité les plus extrêmes sont certes pris en compte, par le retour de critères de pénibilité et la hausse du niveau minimum de pension – et encore vaut-il mieux pour y prétendre avoir connu une longue carrière sans accident ni fluctuation de salaire, ce qui est de moins en moins fréquent – mais juste au-dessus, ce sont 60 % des salariés qui devront travailler plus longtemps. Pour certains « perdants » de la probable réforme, il faudra même allonger l’effort une annuité de plus que les quarante-trois réglementaires. En revanche, nous qui avons suivi des études longues et ne pouvons de toute façon pas espérer une retraite à taux plein avant 67 ou 68 ans dans le meilleur des cas, nous ne sommes pas du tout impactés par la variation de ce paramètre particulier. Pourtant, nous avons en moyenne des carrières moins précaires, des emplois mieux rémunérés et une espérance de vie en bonne santé supérieure – même si les statistiques en la matière semblent à nuancer. Il ne suffit pas de répéter à longueur de journée que la réforme est juste pour convaincre sur le fond.

Le déficit à court terme est indéniable, quoiqu’il se présente de manière moins préoccupante que par le passé du fait des réformes précédentes, mais ce qui me frappe une nouvelle fois, c’est la quasi absence dans le débat public d’une anticipation des tendances de long terme. Les conditions d’existence des futurs retraités dans un monde à +2°C (et encore s’agit-il d’une prévision optimiste) seront très sensiblement dégradées. Nous le savons, les moins fortunés sont déjà les plus touchés par les effets du changement climatique. La hausse de l’espérance de vie pourrait d’ailleurs n’être qu’un progrès passager : une baisse est déjà constatée aux États-Unis depuis 2014. Or, quel est le réflexe des classes aisées devant cet horizon redistributif qui ne cesse de s’éloigner ? Épargner pour s’assurer un complément de retraite par capitalisation. Auprès de banques, assurances et fonds privés qui financent encore majoritairement les énergies fossiles au détriment des nouvelles générations actives.

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