S’il fallait chercher une preuve supplémetaire que la société est de plus en plus mûre pour se confronter au défi écologique, l’écoulement record de la bande-dessinée Le monde sans fin à plus de 250 000 exemplaires en un trimestre serait un nouveau marqueur non négligeable. L’alliance de Christophe Blain, déjà auteur de la géniale BD Quai d’Orsay il y a une décennie, et Jean-Marc Jancovici, vulgarisateur hors-pair de l’inévitable décroissance et influent gourou pro-nucléaire, fait carton plein avec cet album simple à appréhender et captivant à approfondir.
Blain met en images les métaphores brillamment évocatrices de Jancovici et toute la démonstration devient limpide. L’énergie est la force motrice de chacune de nos activités. La modernité économique et politique apparut de manière concomitante avec la capacité d’accéder à de nouvelles sources d’énergie fossiles contenues en relative abondance sous terre. Revers de la médaille, l’extraction et l’utilisation intensives de ces matières émettent des gaz à effet de serre dont la libération entraîne, entre autres conséquences néfastes, un réchauffement climatique fortement accéléré aux effets déjà funestes.
Charbon, gaz et surtout pétrole ont démultiplié nos forces et agi comme des esclaves énergétiques travaillant à un coût dérisoire pour nous fournir un confort sans cesse plus extraordinaire. Nous sommes devenus l’équivalent de super-héros par rapport à nos aïeux. Ces nouveaux pouvoirs sont grisants et addictifs, mais nous prenons conscience de notre dépendance à cette potion pas si magique : les énergies fossiles se raréfient et leur extraction devient de plus en plus dure, polluante et inefficace. Dans le même temps, les énergies renouvelables présentent des défauts de production et de rendement. Reste l’énergie nucléaire, promue par Jancovici en raison de son efficacité, sa très faible émission de gaz à effet de serre, et ses risques fortement encadrés.
La bande-dessinée Le Droit du sol complètera la réflexion en présentant un avis diamétralement opposé sur le nucléaire. En reliant par les sentiers de grande randonnée les 800 kms qui séparent le mammouth peint il y a 30 000 ans dans la grotte de Pech Merle (Lot) et le site en construction à Bure (Meuse) où seront enfouis des déchets nucléaires qui resteront dangereusement radioactifs pendant 100 000 ans, Étienne Davodeau dénonce les persécutions subies par les militants écologistes qui s’opposent au projet et questionne l’héritage que nous transmettrons aux lointaines générations futures. Si le monde des sapiens n’a pas rencontré sa fin d’ici-là…