Si la science nous sauve du coronavirus, ses principes cardinaux ne sont pas en bonne santé à l’ère d’un extrême relativisme et du foisonnement des faits alternatifs. Aussi, lorsque l’ancienne rédaction de Science et Vie a annoncé le lancement d’un nouveau magazine d’actualité scientifique après avoir démissionné du titre centenaire qui venait d’être racheté, cela a éveillé ma curiosité. Si mes capacités en sciences dures ont rapidement plafonné pour mieux m’orienter vers les humanités, j’ai grandi avec mon abonnement à Science et Vie Junior. Je me souviens d’articles qui ont développé mon imaginaire – par exemple sur les projets d’ascenseurs vers l’espace – et de découvertes qui ont nourri un esprit optimiste convaincu que le progrès des connaissances nous promettait un avenir meilleur.
Il m’est difficile de ne pas remettre en cause cette béatitude des années 1990-2000 après avoir suivi l’envolée du thermomètre jusqu’à 49,6°C et l’incendie dévastateur à Lytton dans l’ouest du Canada – ou le record de température observé simultanément en Antarctique. J’ai par conséquent cherché des signes d’espoir dans ce premier numéro d’Epsiloon. Par exemple : vous doutiez-vous qu’en dépit de l’extinction de masse causé par l’anthropocène, on estime que la majorité des espèces animales n’a pas encore été découverte ? La nature n’a pas livré tous ses secrets et il est encore temps de prendre soin de notre environnement.
Il n’est pas certain que nous soyons assez sages pour changer de trajectoire. Le dossier central du magazine porte sur les manipulations du climat. Si les tentatives ne sont pas nouvelles, les conséquences se concrétisent du fait de l’ampleur des projets actuels. Notamment en Chine, où l’enjeu est d’orienter des précipitations venues de l’Himalaya vers le nord du pays qui manque d’eau. Un quart de l’humanité vit dans des zones qui seront en situation de stress hydrique en 2030. Dans moins de dix ans donc. En manipulant son climat, la Chine portera préjudice à ses voisins, notamment l’Inde où sécheresse et inondations s’amplifieront. Nous ne sommes pas prêts à ces nouvelles guerres climatiques et leurs cohortes de réfugiés.
La manipulation du climat est également un thème central du dernier numéro d’Usbek & Rica. Le magazine qui explore le futur a fait le choix courageux de quitter les kiosques et leur économie particulière qui entraîne la surproduction de masse pour se concentrer sur une vente par abonnement. Un financement participatif est ouvert jusqu’au 24 juillet pour précommander leur numéro anthologique Le Futur (à peu de choses près…). Foncez ! Plus scientifique ou plus politique, quelle que soit votre préférence, nous avons besoin de soutenir des médias exigeants dans un monde où la désinformation est devenue un fond de commerce beaucoup trop rentable.