C’est une situation qui dure et qui est de plus en plus dure. Pour tout le monde. Si nous avions l’espoir que 2021 referme la page d’une année traumatisante, il semble que l’épreuve se prolonge et que ses effets s’accroissent. En un an, le Covid-19 a fait plus de deux millions de victimes dans le monde et il faudra encore plusieurs mois pour tous nous vacciner – voire plusieurs années selon les latitudes. Avec ou sans confinement officiel, la vie sociale hors télétravail est mise en pause depuis trop longtemps pour que nous sortions du tunnel indemnes. Ressentez-vous également un choc en voyant un attroupement dans un film ou sur une photo d’avant ? Croiser des personnes démasquées qui partagent un verre de fin de semaine sur le trottoir devant un bar me met mal à l’aise. Je viens de donner mes premiers cours en visioconférence et je confirme qu’à distance l’expérience perd une grande partie de sa saveur…

Je crois que nous sommes toujours majoritairement capables de comprendre la difficulté de nos autorités à naviguer dans cette crise, et donc d’excuser certaines erreurs dans le dispositif gouvernemental ou des déclarations malheureuses au sommet de l’État. Nous respectons encore très largement consignes et contraintes, même lorsqu’elles relèvent du contestable ou de l’absurde. Un facteur nourrit pourtant la défiance et l’épuisement psychologique : le manque de transparence. Entre les lignes d’une communication souvent grossière, nous comprenons qu’il y a eu des stratégies de désinformation sur la disponibilité des masques, puis des tests, et enfin des vaccins. Un an après les premières alertes sanitaires, les décisions sont toujours prises dans le huis-clos des conseils de défense au mépris des institutions et oppositions républicaines. Personne n’est dupe des simulacres de concertation.

Entre Noël et le Jour de l’An, Open Source Politics faisait partie des entreprises consultées pour l’organisation du volet numérique d’une grande consultation nationale sur la stratégie vaccinale, en appui du fameux collectif de trente-cinq citoyens tirés au sort dont le rôle est resté fumeux jusqu’à ce jour. Malgré quelques doutes sur les intentions derrière la requête, nous avons pris la demande au sérieux et tenté d’imaginer un dispositif ambitieux fondé sur un large partage des informations scientifiques, une réelle communication pour toucher des participants sceptiques et une succession d’étapes délibératives pour adapter les recommandations du collectif citoyen. Sans regrets, notre offre n’a pas été retenue. Sans doute n’était-elle pas assez convaincante ou alignée avec les moyens disponibles. En revanche, c’est avec dépit que je constate que la solution mise en place se limite à des questionnaires fermés moins intéressants et représentatifs qu’un sondage, et auxquels aucune visibilité n’est accordée afin que personne ne réponde.

Je suis convaincu que le triptyque de principes du Gouvernement ouvert collaboration-participation-transparence compose l’antidote au virus civique qui prolifère en parallèle du Covid-19. Si nous n’avons pas d’utilité en première ligne, nos compétences peuvent au moins servir à défendre ces principes. À défaut d’obtenir une levée des brevets sur les vaccins, au moins disposons-nous de données sanitaires ouvertes par le Ministère de la Santé. En quelques mois, le site covidtracker.fr s’est imposé auprès des institutions, médias et citoyens comme une excellente source de visualisation de l’évolution de la pandémie et de la progression de la vaccination. L’origine de cette valorisation exemplaire des données publiques est décrite dans un portrait de Guillaume Rozier, l’analyste de 24 ans à l’initiative du projet. Un parfait exemple de « service public citoyen » rendu possible par le choix de l’ouverture.