Derrière toute vague qui soulève, il y a un creux qui aspire avec autant de force. Percutées par le coronavirus et marquées aux deux tours par une abstention record, les élections municipales 2020 ont livré un verdict équivoque. Traditionnellement difficiles pour le parti au pouvoir, elles ont été un naufrage pour la majorité présidentielle. On retiendra une vague verte dans les grandes villes, avec les victoires de listes écologistes et citoyennes à Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Grenoble, Besançon, Tours, Poitiers, Annecy et, au moins en volume dans les urnes, à Marseille. En alliance avec une gauche unie et revigorée localement, d’autres succès symboliques ont été acquis à Paris ou Nancy. Pourtant, la majorité des villes moyennes s’est ralliée à des élus conservateurs qui ne sont pas franchement enclins à enclencher la transition de leur territoire. Cinq des dix plus grandes villes de France sont désormais dirigées par des femmes, dont les maires sortantes qui confirment leur position à Paris, Lille et Nantes, auxquelles on peut associer la onzième en population, Rennes. Dans le même temps, 80 % des maires restent des hommes.

Nous aurions tort de considérer que la suite de la belle histoire médiatique sera automatique. Il suffit de voir la violence et la bêtise avec laquelle éditorialistes et réseaux sociaux ont accueilli les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat pour se rendre compte que rien ne sera facile et consensuel. Aucune majorité capable de l’emporter face aux dynamiques de repli et de déni ne pourra émerger si la vague reste endiguée dans le confort intérieur des grands centres métropolitains. Or, sans surprise, les territoires moins favorisés et moins résilients auront beaucoup plus de mal à reprendre leur souffle au creux de la vague post-COVID, qui se traduit d’ores et déjà par la plus violente récession économique depuis la guerre. Dans ce contexte de craquèlement et d’archipélisation sociale, comment amplifier – et surtout diffuser – le déclic politique ? Au-delà de la démocratie participative, dont les vertus et bonnes pratiques sont de plus en plus accessibles, je m’interroge – sans grand résultat jusqu’à présent – sur les moyens de faire levier pour rapprocher les expériences et aspirations de vie qui s’éloignent ostensiblement.