Dans cette époque où insister sur les chiffres alarmistes de dégradation de notre environnement finit par se révéler contreproductif – même les pires modélisations seraient de toute façon déjà dépassées – j’ai bien une idée de ce qui peut encore changer simultanément le cours de nombreuses existences : de puissantes histoires.

Je me demande régulièrement pourquoi les meilleurs livres, films et jeux d’anticipation se sont révélés à ce point autoréalisateurs. Des dizaines de chefs d’œuvre de science-fiction nous ont alerté sur la surconsommation qui conduit à l’épuisement des ressources naturelles, sur le pouvoir abusif de multinationales ou d’Etats-policiers qui aboutit à une restriction des libertés individuelles ou encore sur l’appauvrissement des relations interpersonnelles et interculturelles qui s’achèvent inévitablement en conflits. Etaient-ils si visionnaires qu’ils ne faisaient que révéler un futur trop prévisible – « Le futur est déjà là — il n’est simplement pas réparti équitablement » disait le maître William Gibson – ou ont-ils au contraire dessiné les cadres mentaux qui ont ensuite rendu possible l’inquiétante concrétisation de leurs dystopies ?

Coup sur coup, je suis tombé sur cet article titré « Quand la science-fiction abandonne les récits de fin du monde pour un optimisme subversif » et cet épisode du podcast C’est plus que de la SF avec la romancière Catherine Dufour, membre fondatrice du collectif d’auteurs francophones Zanzibar, qui vise à « désincarcérer le futur« . J’ai pu mettre un mot sur une aspiration, qui me semble largement partagée, à découvrir ou créer de nouveaux récits généreux et inspirants sans être naïfs : un sous-genre regroupé sous le nom évocateur « hopepunk« . Parmi d’autres ressources qu’il me faudra parcourir plus en détail, cet article du magazine Vox retrace l’origine du terme et les aspects caractéristiques déjà visibles dans des œuvres bien connues. Je conserve notamment cette définition, qui sonne si bien en anglais : « Hopepunk combines the aesthetics of choosing gentleness with the messy politics of revolution. » Voilà un beau programme pour repousser nos peurs, vivre avec les courbes de notre temps et nourrir de futures vagues irrésistibles.

Carrefour des températures inspiré des « stripes » d’Ed Hawkins.