A l’image des Américains qui doivent voter sans grand enthousiasme pour Hillary Clinton afin d’empêcher la folie Trump, je fais déjà parti des nostalgiques des années Obama. Je repense au formidable élan de la première campagne, au “Yes We Can” plein d’espoirs et à la nuit blanche électorale de 2008, vécue entre amis avec les Democrats abroad réunis Porte Maillot. Nous étions au cœur du cyclone déclenché deux mois plus tôt par la crise des subprimes, mais l’horizon semblait ensoleillé. A l’heure du bilan, les images fortes de ces deux mandats défilent. Arte leur a consacré un très bon documentaire ce mois-ci et des galeries permettent de revoir les meilleures photos de Pete Souza.

On retiendra de Barack Obama que sa communication a été brillante et innovante. Il a été capable de mêler concentration et décontraction, comme dans la récente interview sur l’intelligence artificielle avec le magazine WIRED et le directeur du MediaLab du MIT Joi Ito. Dans un monde “d’infobésité” où les politiques peinent à expliquer le sens de leur action, le président a utilisé son génie scénique comme arme politique pour rire de lui-même et de ses rivaux. Je retiens également dans mon best-of le récit, qui m’a fasciné, des “Precious Hours Alone After Dark” pendant lesquelles Obama travaille ses dossiers en solitaire, alors que tant d’autres dirigeants politiques se perdent dans le mouvement perpétuel et la cour qui les entoure.

Sur le fond en revanche, la méthode Obama s’est butée à la réalité d’un monde de plus en plus polarisé et d’un système politique américain bloqué. Il a réussi à faire passer une puissante relance économique et la réforme de la protection sociale qui a apporté une couverture à 20 millions d’Américains, mais il est resté impuissant sur la régulation du port d’armes et face à la recrudescence des violences raciales. Il l’a exprimé à plusieurs reprises dans ses interviews de fin de mandat : il y a tellement d’acteurs à concerter et d’intérêts à faire converger que le regard extérieur sous-estime toujours la difficulté à prendre et faire appliquer une décision politique. Le documentaire d’Arte se termine donc sur le constat modeste d’un président Obama au sommet de sa classe qui se représente comme un coureur de relais dont l’objectif était d’améliorer la position relative de son équipe avant de passer le bâton… pour un prochain mandat qui ne s’annonce pas tout à fait sous les mêmes auspices.

Barack Obama menant la traversée du pont Edmund Pettus à Selma en Alabama en mars 2015, à l’occasion du cinquantenaire du “Bloody Sunday”.