Il y a dix ans, alors que je terminais mes stages étudiants qui constituaient mes premières expériences en entreprise, j’avais participé à un concours d’écriture organisé par le très chic Institut de l’Entreprise sur le thème de l’entreprise en 2020. La consigne s’articulait d’un curieux oxymore : « Cette contribution écrite pourra prendre la forme d’un essai ou d’une fiction et doit s’inscrire dans le registre de « l’utopie concrète ». Elle devra s’attacher à décrire dans une approche prospective l’entreprise idéale assurant la coexistence harmonieuse de ses différentes parties prenantes, sans faire l’impasse sur les moyens qu’elle aura su mobiliser pour assurer cet équilibre. » 

Taquiné par cette formule d’utopie concrète, j’alignais les trente mille signes requis pour imaginer une entreprise d’énergie verte qui élirait démocratiquement ses dirigeants et associerait ses collaborateurs, partenaires et clients à ses grandes décisions stratégiques, n’en déplaise à ses actionnaires mis en minorité. Un autre texte avec des qualités littéraires plus évidentes remporta le concours, mais derrière mon deuxième prix continuèrent de germer quelques idées qui, sans doute, eurent un impact dans ma situation dix ans plus tard et mon attachement à faire d’Open Source Politics une entreprise pas tout à fait comme les autres… 

Le texte complet De la démocratie en entreprise est à télécharger en suivant ce lien. Je vous propose de commencer par le résumé de l’époque : 

En demandant à l’opinion publique d’arbitrer son conflit contre ses propres actionnaires, Patrick Rose, le PDG de Next Energy, établit un précédent. Il n’imagine pas que derrière ce recours à l’approbation démocratique de son action économique il enclenche une révolution paradigmatique dans la gouvernance des entreprises. Désormais, le consommateur-citoyen participe à l’élection des dirigeants et à la définition de la stratégie des grands groupes dont il achète les produits.

Fort de sa légitimité démocratique, Patrick Rose peut améliorer les conditions de vie et de travail de ses employés, lancer des programmes de formation en interne et imposer la parité homme/femme aux postes d’encadrement. Très innovante, son entreprise est plébiscitée par les clients. Une partie des profits réalisés est réinvestie dans des chantiers humanitaires qui ne verraient pas le jour sans les compétences de Next Energy. Ce modèle de responsabilité sociale de l’entreprise est un succès.

Gustave Clérel, un jeune ingénieur de 33 ans spécialisé dans la géothermie, a décidé de rejoindre Next Energy après avoir entendu Patrick Rose présenter son nouveau modèle d’entreprise au service de l’intérêt général. Le 20 février 2020, alors que le charismatique PDG concourt pour un second mandat, Gustave est septième sur la liste « L’énergie du progrès » et espère devenir le plus jeune membre de la Direction. S’il est élu, il développera pour le compte de l’entreprise un partenariat éducatif avec les étudiants des pays pauvres.

Le scrutin s’annonce néanmoins serré. Les actionnaires, inquiétés par la propagation du modèle, veulent un retour au système antérieur. Les révolutionnaires, conscients qu’une faille est apparue dans la doctrine capitaliste, veulent en finir définitivement avec l’économie de marché. Entre ces deux extrêmes, la jeune idée de la démocratisation des entreprises doit prouver chaque jour qu’elle aboutit à des choix économiquement plus rationnels, écologiquement plus équilibrés et socialement plus justes.