Moi, Daniel Blake est une claque qui fait un bien fou. Dix ans après Le vent se lève, également Palme d’or dans un registre différent, Ken Loach est sorti de sa retraite pour livrer avec son scénariste Paul Laverty un nouveau film magistral. Daniel Blake est un invisible : un menuisier veuf en fin de carrière vivant dans un quartier populaire d’une ville britannique frappée par la désindustrialisation. Son médecin lui demande de lever le pied suite à une alerte cardiaque, mais le personnel du job center, déshumanisé par sa chasse aux supposés fraudeurs, exige contre toute logique qu’il prouve qu’il recherche du travail avant de lui verser une indemnisation. S’en suit un parcours ubuesque dans la galère, qui n’est rendue plus supportable que par la rencontre de Katie, mère célibataire de deux jeunes enfants qui a été contrainte de quitter Londres et d’accepter un logement social en état médiocre pour éviter un placement en foyer. Le ton est juste, les acteurs sont admirables, les images sont fortes de bout en bout.
Je me souviendrai longtemps des scènes où Daniel Blake, qui ne s’est jamais servi d’un ordinateur auparavant, bataille avec les formulaires dématérialisés jusqu’à l’épuisement de son forfait internet à la bibliothèque municipale. Alors que je tente de promouvoir les dispositifs de démocratie en ligne sous des formes de plus en plus complexes, il est salutaire de prendre du recul et de s’interroger sur les besoins réels d’un Daniel Blake ou d’une Katie Morgan et du fossé qui les sépare de la volonté et de la capacité à prendre part à ce que nous essayons de mettre en place. Cela confirme nos intuitions : il faut allier physique et numérique, éducation et participation.
Dans cette année 2016 où mes occasions d’aller au cinéma se sont faites plus rares, j’ai également retenu la fresque des mutations chinoises proposée par Jia Zhang-Ke dans Au-delà des montagnes, plus accessible que Still Life (2006) et moins cru que A Touch of Sin (2013), ainsi que l’impressionnant plan travelling qui lançait The Revenant d’Alejandro González Iñárritu, film dont le scénario primaire ne rivalisait pas avec la brillante exécution.