J’ai toujours été très impressionné par les films totalement (ou en majeure partie) tournés en un plan-séquence. Ils allient au plus niveau la prouesse théâtrale d’excellents comédiens et le réalisme du cinéma grâce à la maîtrise des réalisateurs et techniciens. Il me reste en mémoire de nombreuses scènes de La Corde (Alfred Hitchcock, 1948), Birdman et The Revenant (Alejandro González Iñárritu, 2014 et 2015) ou encore 1917 (Sam Mendes, 2019).

Sur le plan formel, la mini-série britannique Adolescence, créée par Jack Thorne et Stephen Graham pour Netflix, est elle aussi particulièrement marquante. Les quatre épisodes sont réalisés chacun en une unique prise, dans des environnements différents et évolutifs qui contiennent des dizaines d’interactions synchronisées à la perfection. La performance des acteurs, méconnus en France, est saisissante. Le premier d’entre eux, Owen Cooper, n’a que 15 ans et n’avait pas d’expérience préalable sur petit ou grand écran. Il interprète Jamie Miller, un jeune garçon de 13 ans accusé d’avoir assassiné une élève de son école. Il est notamment extraordinaire dans le troisième épisode, pendant une longue confrontation avec la psychologue qui lui rend visite en centre de détention quelques semaines après les faits.

Sur le fond, rares sont les œuvres à connaître un tel succès – plus de cent millions de spectateurs à travers le monde – et à déclencher des débats de société aussi larges. Ici, ce sont à la fois le rôle modèle du père dans la construction d’un fils, la banalisation du harcèlement sur les réseaux sociaux, l’exposition de jeunes adolescents vulnérables à des contenus violents et misogynes comme ceux d’Andrew Tate, influenceur au discours masculiniste ahurissant qui est cité dans la série et très suivi au Royaume-Uni. La série n’a pas complètement fait l’unanimité, et des centaines d’articles ont déjà été publiés depuis mars pour réagir à certaines ambiguïtés et confronter la fiction à la réalité, mais sa première force est justement d’ouvrir la discussion.