Parmi les souvenirs les plus marquants que je garde de mes trois années à Aubervilliers entre 2012 et 2014, il y eut ce temps de rencontre avec des jeunes qui revenaient d’un séjour organisé par la ville au camp d’Auschwitz. Un jeune de 17 ans, dans l’année de préparation de son baccalauréat, avait partagé sa surprise de découvrir la réalité de l’holocauste. Jusque là, témoigna-t-il, il avait entendu autour de lui que les Juifs l’avaient bien mérité. Le décalage était saisissant avec la mémoire que je conservais de la présentation sans équivoque par mes programmes scolaires, une décennie plus tôt, de la Shoah comme le pire génocide du XXe siècle. C’était il y a une douzaine d’années et on ne constatait pas encore aussi fortement le retour de l’antisémitisme, même si les répercussions nationales des conflits au Proche-Orient inquiétaient déjà.
Il y a deux ans, le 7 octobre 2023, l’attaque terroriste du Hamas – on ne pouvait que la condamner comme telle, sans nuance – sur un festival de musique en Israël a fait plus de 1200 morts, 4800 blessés et 250 otages. En réaction, le gouvernement de Benjamin Netanyahou a lancé une guerre totale à Gaza, bafouant le droit international, les besoins humanitaires et les trêves négociées pour obtenir la libération d’otages. Cette guerre a déjà entraîné plus de 65 000 morts, 167 000 blessés et des centaines de milliers de déplacés, essentiellement civils. Ce génocide – on ne peut que le condamner comme tel, sans nuance – est le pire du XXIe siècle. L’objectif de l’extrême-droite sioniste est clair : l’extermination de toute vie et de tout espoir en Palestine pour achever la colonisation du territoire et sa transformation, main dans la main avec l’administration Trump et sous le patronage sulfureux de Tony Blair.
Une vie vaut une vie, et cette valeur est bien supérieure à ce qu’en font les terroristes et criminels de guerre d’un camp ou de l’autre. C’est ce qu’a rappelé Emmanuel Macron dans son discours à l’ONU le 23 septembre, dans lequel, par sa voix, la France a officiellement reconnu l’État de Palestine. Ou plutôt la promesse de cet Etat, qui aujourd’hui n’est qu’une idée au milieu d’un champ de ruines. Ces derniers mois, le président de la République disait attendre le meilleur moment pour que cette reconnaissance symbolique devant les Nations-Unies, l’instance qui a consacré la naissance de l’État d’Israël en 1947, pèse sur la résolution du conflit. Hélas, en dehors d’avoir été synchronisée avec plusieurs autres pays dont le Royaume-Uni, également membre permanent du Conseil de sécurité onusien, cette reconnaissance n’empêche pas la poursuite du bain de sang sur le terrain. A l’image du diplomate américain Robert Malley, expert du sujet pour avoir participé aux négociations sous les présidences démocrates depuis trente ans, il semble de plus en plus dur de croire en une paix durable entre deux États souverains. Sans parler d’une réparation de toutes les mémoires brisées par cet interminable conflit.
