Comme une réponse à mon point de début janvier, la hausse de mon temps libre ces dernières semaines a permis un rattrapage boulimique d’histoires rédigées, dessinées, jouées ou filmées, le plus souvent avec succès.

Des dinosaures ont arpenté cette planète des millions d’années avant nous, mais ce n’est que relativement récemment qu’ils ont été recréés à notre image, ou plutôt selon une image à même de nous fasciner dans Jurassic Park. Marion Montaigne a mené l’enquête scientifique dans Nos mondes perdus avec le mélange d’humour et de rigueur présent dans chacune de ses BD.

Avec L’homme des jeux, j’ai plongé dans le Cycle de la Culture de Iain M. Banks, célèbre série de romans ayant pour cadre une société galactique qui ne connaît plus la guerre et où le jeu est un art de vivre. Le champion Jernau Gurgeh est envoyé dans l’empire d’Azad, tout entier régi par un complexe jeu de rôle et de stratégie, pour tenter de l’emporter et de maintenir la paix.

Alors que les inégalités divisent les deux villes de la fantastique série animée Arcane, la réconciliation pacifique semble encore possible entre les sœurs Vi et Powder, qui ont tracé des routes opposées dans le décor de la ligue des légendes depuis qu’elles ont été séparées à la mort d’un père héroïque.

Être de bons pères auprès de fils atteints par des troubles mentaux ou des mutations physiques, c’est justement ce qu’essayent de faire Hugh Jackman dans The Son de Florian Zeller (réussi, mais moins que The Father) et Romain Duris dans le surprenant Règne animal de Thomas Cailley – deux films de l’an dernier qui, pour le reste, diffèrent totalement.

Protectrice comme un cocon maternel, notre société de surveillance conduit à une atomisation des individus et fissure le ciment démocratique. Dans Big Mother, des journalistes d’investigation découvrent comment le big data peut être utilisé pour manipuler des masses à grande échelle. Sur une suggestion de collègues, nous sommes allés voir en équipe la pièce créée par Mélody Mourey et avons été époustouflés par la mise en scène haletante.

Se rassembler en surmontant les préjugés et le repli sur soi est une nouvelle fois le programme de l’inépuisable Ken Loach (87 ans) dans The Old Oak. Le film tire son nom du pub populaire d’une ville anglaise désœuvrée où l’arrivée de réfugiés syriens avive les tensions. Il faudra toute l’humanité de TJ Ballantyne, le propriétaire du pub, et Yara, une migrante passionnée par la photographie, pour réunir les défavorisés des différentes communautés autour d’un projet commun de cantine solidaire.

L’accaparement des richesses épicées de la désertique Arrakis par la sombre baronnie Harkonnen est le moteur du soulèvement des Fremen, un peuple autochtone qui entend défendre son envoûtante planète de sables en suivant Paul « Muad’dib » Atreides, le jeune messie des prophéties. J’avais déjà pensé beaucoup de bien de la première partie de l’adaptation de Dune par Denis Villeneuve en 2021 ; la suite est encore un cran au-dessus sur tous les plans grâce à des acteurs et des environnements absolument spectaculaires.

En lisant en même temps La Caste des Méta-Barons (1992-2003), on mesure l’influence du planet-opera de Frank Herbert sur le trait de Juan Giménez et les personnages d’Alejandro Jodorowsky, lui qui n’avait pas réussi à adapter Dune en son temps. Le récit généalogique de la dynastie Castaka qui fait naître les plus grands guerriers de l’univers est un pur chef-d’œuvre du neuvième art qui, plus de vingt ans après sa parution, rend terriblement tiède l’imagerie ressassée par l’essentiel de la science-fiction contemporaine.

Pourtant, l’ovni de l’année provient bien de notre galaxie : de la Palme d’Or en mai dernier aux Césars il y a deux semaines, Anatomie d’une chute a tout raflé. Sandra et Samuel sont un couple franco-allemand avec un fils de 11 ans, Daniel, devenu malvoyant quelques années plus tôt par accident. Sous l’impulsion de Samuel, qui espère y retrouver l’inspiration littéraire qui le fuit, la famille s’est isolée en montagne. En rentrant d’une balade, Daniel retrouve son père mort dans la neige après une chute du haut du chalet. Un an plus tard, il participe au procès de sa mère où se retrouve disséquée la vie intranquille de ses parents dans le but de trancher le doute entre l’homicide et le suicide. L’intrigue semble trop banale pour captiver le spectateur durant 150 minutes, mais le film de Justine Triet a marché sur nous aussi.