Drôle de constat : mon rapport au sport est devenu nostalgique. Certes, la pratique est depuis des années bien plus intermittente que lorsque j’alternais quasi quotidiennement basket, badminton, foot ou tennis durant la période collège-lycée – je le ressens d’ailleurs douloureusement en jouant au foot avec des coéquipiers dans la fleur de l’âge. Plus encore, c’est dans le rapport à l’actualité de tous les sports que ma passion a perdu en intensité et tend à se transformer en recueil de souvenirs.

Durant mon insouciante adolescence, lorsque le monde était infini, le temps plus long sans la distraction permanente des smartphones et les athlètes plus âgés que moi, je passais mes week-ends à écouter les épreuves en direct sur Sport O’FM avant de revoir les images dans Stade 2. La Ligue des Champions occupait les mardis ou mercredis soirs, Roland Garros les fins d’années scolaires, le Tour de France les mois de vacances. Tout y passait, des championnats d’athlétisme aux grands-prix de Formule 1. Sans compter les heures de simulation sportive et automobile une manette en main. Je partageais avec quelques copains une connaissance encyclopédique des joueurs, résultats et palmarès. Le sport occupait une part prépondérante de mon temps de cerveau disponible et les Jeux Olympiques étaient le plus enthousiasmant des horizons. S’il y avait bien une chose qui me faisait rêver quand j’avais la moitié de mon âge actuel, c’était que Paris accueille les Jeux ! À six mois de l’événement centenaire, j’ai du mal à trouver des motifs d’excitation. Ce revirement continue de m’interroger. Aussi, après avoir parlé de l’animation de séances de baby-rugby, de vibrations vécues dans les tribunes et de photos de sport en argentique, je projette d’autres articles sur les sports que j’ai le plus aimé pratiquer et les événements qui m’ont marqués. Là encore, mon sport s’écrit au passé.

Chaque génération s’identifie à ses grands champions. Il y a eu les gloires des décennies précédentes, les Pelé, Maradona ou Platini, les Muhammad Ali et Carl Lewis. Jusqu’à Michael Jordan – je me souviens avoir été choqué vers onze ou douze ans par le fait qu’il gagnait à l’époque l’équivalent de 10 Francs par seconde, même en dormant ! Indétrônables « pour l’éternité », Zinedine Zidane et les Bleus de France 98 et l’Euro 2000 sont encore dans la catégorie des aînés. La génération des sportifs nés dans les années 1980, qui ont brillé et sont devenus des superstars globales dans les décennies 2000 et 2010, a été exceptionnelle dans quasiment tous les sports. Détenteurs de nombreux records de performance et de longévité, LeBron James, Teddy Riner, Serena Williams resteront sans doute pour de longues années les « Greatest of all time » dans leur discipline. Mon podium de cette génération qui était aussi la mienne est occupé par Usain Bolt, l’homme le plus rapide du monde, Lionel Messi, l’incroyable génie qui a tout gagné avec un ballon au pied, et Roger Federer, le plus élégant des sportifs avec une raquette une main. De nouveaux phénomènes les ont remplacés sur les terrains, et nous avons de sacrés spécimens français avec notamment Kylian Mbappé et Victor Wembanyama, mais je ne vibre plus autant qu’avant devant leurs exploits. Ils ne sont plus de ma génération, celle des légendes de mes souvenirs.