Un aîné qui n’est plus seul doit apprendre le partage. L’intention est là depuis le premier jour : quand ce n’est pas Sirius qui vient te sortir du sommeil en gazouillant à ton oreille, ton réflexe matinal, Ulysse, est d’aller voir comment ton frère se réveille. Le rituel nous procure à tous le courage de nous lever et le sourire indispensable pour débuter la journée. Déjà fortement présente entre vous, la complicité fraternelle résistera sans aucun doute aux inévitables échanges de quelques coups.
La vérité de l’un n’est bien entendu pas celle de l’autre. En tant que parents, nous ne revivons pas les mêmes choses une seconde fois ; nous en refaisons l’expérience sous un angle inédit. D’abord parce que vous êtes deux quand tu n’étais qu’un, mais aussi parce que vous êtes différents. Visiblement : le premier est châtain et ses yeux rieurs sont couleur noisette, le second est blond et conserve son tendre regard bleu. Plus subtilement : le sommeil et la poussée dentaire sont manifestement plus douloureux avec toi, Sirius, mais tu es beaucoup plus mobile qu’Ulysse au moment de boucler ta première année. Et ainsi de suite, nous pourrions analyser des centaines de détails. En toute chose, chacun suit son propre rythme, et c’est très bien ainsi.
Y a-t-il plus cocasse aventure que cette naissance en voiture que nous avons vécue en famille ? Ce fut le détonateur d’une année pleine pour notre quatuor. En novembre, nous avons repris la route pour traverser la France jusqu’à Cannes, afin d’y célébrer l’anniversaire de votre arrière-grand-mère centenaire. En février, ce fut le temps des travaux et de la vie en gîte, avant de retrouver une maison qui se transforme, avec son grand bac à sable dans le jardin, une confortable cuisine et votre lumineuse salle où jouer.
Six mois d’expérience commune chez Isabelle, la « tata » qui vous garde et vous oriente dans vos premiers apprentissages. Balades, dessins, gommettes, musique, vous éveillez vos sens grâce à la multiplication des activités. Dès que nous le pouvons, nous arpentons ensemble les pontons dans la forêt ou nous partons explorer la région. Voilà l’équilibre joyeux de notre vie au vert, à observer le ballet des engins agricoles, à déguster de royales pizzas et de complètes galettes, à nous promener dans la carriole tirée par les chevaux de Porcaro. C’est une certitude : pour grandir, nous sommes si bien ici.
Sissu est devenu Sivus, pas encore tout à fait Sirius ; si durs à prononcer, les redoutables « r » résistent toujours à Ulysse, dont l’acquisition de la langue n’en fut pas moins spectaculaire tout au long de l’année écoulée. Te voilà déjà devant tes trois bougies. Tu évolues chaque jour un peu plus en courageux petit garçon, affirmant tes talents et ta personnalité. Il m’est impossible de dire qui de vous deux a le plus changé, mais vous m’impressionnez tout autant par le chemin que chacun a parcouru.
Encore un peu de patience, l’école arrive dans quelques semaines. Encore un peu de patience, les premiers pas sont pour bientôt. Vous pourrez bien vite vous courir l’un après l’autre, vous chamailler, vous lancer des ballons, vous inventer des histoires et constituer un duo musical détonnant. Prenez votre temps, vous disposez déjà des bons ingrédients. Tout vous sourira si vous conservez le même appétit pour la vie et la même attention pour les autres.