D’un côté, l’urgence écologique et sociale, les conséquences économiques et géopolitiques de l’invasion russe en Ukraine, la rémission lente après deux ans de pandémie. De l’autre, le caractère anecdotique, chaotique, pathétique de la campagne pour l’élection présidentielle du 10 et 24 avril 2022 depuis des mois. Le décalage est aussi dramatique que démobilisateur. Ma conviction est malheureusement que ce n’est pas conjoncturel : sans changement institutionnel, ce schéma va se reproduire. Il n’est que l’évolution directe de la main-mise d’intérêts court-termistes sur l’agenda et de l’instantanéité des chaînes et réseaux qui commentent ad nauseam l’actualité en temps réel. En continuant d’attribuer, par le biais d’un scrutin aux modalités frustrantes, les plus grandes responsabilités à une personnalité soutenue par une minorité de la population réelle, la Ve République meurt de son anachronisme.

Dans une campagne où peu de médias ont traité la question (moins de 5 % du temps d’antenne), il faut saluer le travail de FranceInfo qui a consacré plusieurs articles détaillés aux programmes écologiques des douze candidats. Il en ressort ce comparatif, réalisé en partenariat avec les experts de l’association The Shift Project que préside Jean-Marc Jancovici. Le constat est net et rejoint celui dressé par les différentes ONG spécialisées : Jean-Luc Mélenchon présente le programme le plus complet et aligné avec les engagements climatiques de la France.

Incapables de se réunir et de peser dans la bataille culturelle malgré la demande claire d’une large majorité de leur électorat cumulé, les candidatures de gauche sociale-démocrate et radicale semblaient condamnées, il y a quelques semaines encore, à voir l’élection se jouer sans elles. D’intéressantes analyses se penchaient déjà sur les causes et conséquences de cette faiblesse historique dans les têtes comme dans les urnes. Puis, à l’entame des dernières semaines fatidiques, la candidature de Jean-Luc Mélenchon est apparue comme la plus forte pour contester le duel orchestré depuis des années entre le libéralisme sécuritaire durci d’Emmanuel Macron et le nationalisme autoritaire persistant chez Marine Le Pen.

J’ai écouté et lu les interventions récentes de Jean-Luc Mélenchon. J’ai apprécié beaucoup de choses sur le fond de cet « avenir en commun » et la forme toujours éloquente, sur le passage à une 6e République plus parlementaire et démocratique comme sur la « bifurcation écologique » qui ne saurait attendre. Je reste dans le même temps très sceptique voire franchement opposé sur plusieurs de ses positionnements structurants, notamment ceux qui concernent l’Europe et l’international. Le bulletin Jean-Luc Mélenchon n’était toujours pas mon premier choix, ni même peut-être mon deuxième, mais ce sera mon dernier choix, tactique, celui qui peut faire basculer cette élection dans un autre récit et écarter l’extrême droite dès le premier tour alors qu’elle est désormais en mesure de gagner au second.