À moins de trois mois de l’élection présidentielle, nous sommes spectateurs d’une drôle de campagne. Entre le Covid omniprésent et la succession de micro-événements et polémiques stériles, il est difficile de trouver des lignes attrayantes et cohérentes. Sans même parler des chaînes qui se placent au service d’une candidature au mépris des règles de répartition des temps de parole, la hiérarchie des thèmes choisis pose question. Puisqu’il n’est pas encore trop tard pour qu’un débat démocratique se tienne sur l’urgence climatique qui devra orienter et rythmer le prochain quinquennat, 1 400 scientifiques viennent de rappeler aux candidats et aux médias qu’ils ne doivent pas détourner le regard. Des scénarios d’équilibre ont été tracés par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et le Gestionnaire du Réseau de Transport d’Électricité (RTE) pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les éléments scientifiques sont sous nos yeux pendant que les éditorialistes jouent les mauvaises doublures de film.

Dans ce contexte peu enthousiasmant, le verdict de la primaire populaire était aussi attendu que prévisible : Christiane Taubira était déjà arrivée largement en tête de la phase initiale de parrainages. Côté positif, près de 400 000 inscrits se sont essayés au jugement majoritaire, méthode qui permet d’exprimer plus finement un ordre de préférence. À titre de comparaison, 32 000 personnes avaient participé au vote précurseur de laprimaire.org en 2017. Côté négatif, la démarche a abouti à l’ajout d’une candidature supplémentaire dans l’équation impossible au lieu de retirer toutes les autres, puisque les trois principaux protagonistes à gauche avaient explicitement refusé de participer et de se soumettre au résultat. La bataille pour le second tour se jouera donc entre la droite et l’extrême droite d’Emmanuel Macron – c’est-à-dire entre les candidatures les plus rétrogrades sur les questions de société et les moins ambitieuses sur le climat.

Le dévoilement progressif des programmes permet d’espérer que la campagne portera davantage sur le fond au cours des semaines restantes. Le problème n’est pas nouveau : qui prend le temps de lire les programmes ? Chaque cycle électoral tente d’apporter son innovation numérique depuis le questionnaire Politest des années 2000 en passant par le face-à-face par thématique proposé par Voxe.org en 2012 et 2017. Cette année, c’est l’application Elyze, téléchargée plus d’un million de fois en janvier, qui a été médiatisée pour son lancement tonitruant et les failles originelles de son algorithme de classement, de sa sécurité et de son modèle économique. La promesse de créer un « Tinder de la politique » n’est pas nouvelle ; j’avais analysé une précédente tentative américaine dans un article en 2015. J’ai en revanche été impressionné par le comparateur de programmes du site de campagne de Jean-Luc Mélenchon. L’ergonomie est claire et l’exercice est mené très sérieusement sur le fond, avec la prise en compte des prises de parole de tous les candidats, mais aussi les rapports de plusieurs ONG ou les contributions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Une fois votre choix effectué et à condition qu’il ne se porte pas sur l’abstention, deux jeunes initiatives peuvent vous aider : A voté vous permet de savoir si et où vous êtes inscrit·e, puis Tous inscrits vous accompagne dans la démarche de (ré)inscription. L’enjeu est de taille : en France, 7 millions de citoyens sont mal inscrits sur les listes électorales. Autant de voix qui pourraient contrebalancer les dynamiques en cours.