Après avoir remis au Président de la République leur rapport de 149 propositions à l’été 2020 puis multiplié les réunions avec les ministres pour les travailler dans le détail, les 150 membres tirés au sort de la Convention Citoyenne pour le Climat avaient une huitième et ultime fois rendez-vous le dernier week-end de février pour s’accorder sur la réponse à donner au nouveau projet de loi « Climat et résilience ».
Quelques semaines après la victoire judiciaire historique de l’Affaire du Siècle – la justice reconnaissant que l’inaction climatique est illégale et engage la responsabilité de l’État – le verdict des participants est amer. On ne retirera pas au Gouvernement le mérite de s’être engagé pour cette démarche inédite ni d’avoir repris et déjà mis en œuvre plusieurs propositions. Pourtant, climatologues et associations rejoignent unanimement les critiques des conventionnaires sur le fait que ce projet de loi, après avoir contourné ou édulcoré de nombreuses mesures, ne va pas assez loin pour remplir l’objectif initial de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale. Un conventionnaire le résume explicitement : « L’ambition n’est pas là. Le gouvernement n’a repris que les mesures faciles ou qui servent les intérêts économiques. Toutes les propositions fortes, à même de changer le modèle de société, ont été vidées de leur substance ou sont tombées aux oubliettes. » Les parlementaires auront le dernier mot.
Partant de la promesse renouvelée à plusieurs reprises par Emmanuel Macron d’une loi « sans filtre », l’exécutif aboutit à une loi avec « cent filtres ». Le résultat a par conséquent été sévèrement évalué par les 150 avec une note moyenne de 3,3/10 seulement. Cette désillusion n’était pas écrite d’avance ; elle est le fruit d’arbitrages politiques qui ont changé les règles du jeu en cours de partie pour préserver certains intérêts industriels. Le risque, après un grand débat national déjà largement contesté en 2019, est que le Gouvernement discrédite durablement ces innovations de grande ampleur en sapant les indispensables conditions de confiance entre initiateurs et contributeurs. Malgré leur déception sur le fond, les 150 entendent de leur côté sauver l’expérience transformatrice qui leur a été offerte. Un documentaire consultable en replay sur Arte jusqu’au 22 mars retrace l’aventure inspirante de ces citoyens tirés au sort, propulsés dans un exercice méthodologique ambitieux, confrontés à des expertises multiples ainsi qu’à des milliers de propositions, parvenus à se hisser collectivement à la hauteur du mandat fixé et, au-delà, à montrer qu’une autre manière de délibérer – et donc de faire de la politique – est possible.